BikingMan Portugal - Rapport de course en Français


Moins d’un mois après avoir terminé l’IncaDivide et trois jours seulement après être rentré de mon voyage au Pérou au cours duquel Elo m’avait rejoint, me voilà déjà reparti sur les lieux de ma prochaine course, le Portugal. C’est dans le sud du pays, et plus précisément dans l’Algarve et l’Alentejo, que se déroule la cinquième manche du championnat BikingMan. La première édition de ce BikingMan Portugal s’élancera de Faro pour effectuer une boucle de 950 km et un dénivelé positif de 11.000m.





Après être rentré du Pérou, j’ai eu deux jours pour courir dans tous les sens et préparer tout ce dont j’avais besoin pour la course à venir. En effet, alors que j’avais pris mon Canyon Inflite pour l’IncaDivide où les surfaces étaient très variables, c’est désormais mon vélo de course Merckx EM525 que j’embarque au Portugal. Si les routes portugaises ne sont pas forcément en bien meilleur état que ce que j’ai pu rencontrer au Pérou, l’absence de segments gravel permet de prendre un vélo uniquement dédié à la route. Une petite exception toutefois puisque nous sommes prévenus, Axel, l’organisateur de la série BikingMan, nous a réservé une petite surprise avec un segment d’environ 7 km de route gravillonnée, mais pas de quoi me faire peur après le Pérou. Sur papier, cette épreuve est également bien plus simple que l’IncaDivide puisque le parcours ne fait que 950 km, les ascensions y sont nettement moins longues et les pourcentages ne devraient pas poser trop de problèmes. Néanmoins, cela nous promet une course rapide et je ne devrais pas avoir beaucoup de moments de répits. De plus, la stratégie est simple, dormir le moins possible, et certainement pas dans un hôtel, afin d’effectuer les 950 km en moins de 48h. Ceci est très ambitieux, d’autant que je n’ai jamais réellement roulé de nuit ni passé autant d’heures sur un vélo sans dormir. Mais, fort de ma belle performance le mois précédent sur l’IncaDivide, je suis confiant et ultra motivé !





Les fusées sont lancées après le départ à Faro

Après un petit déjeuner très matinal, je me présente sur la ligne de départ sous l’Arco da Vila, arche aux portes de l’ancienne ville de Faro située juste en face du Jardim Manuel Bivar. Le départ est donné à 5h précise et l’ensemble des 78 coureurs s’élance vers la sortie de la ville sous l’escorte de la police locale. Comme à chaque course BikingMan, la première heure est neutralisée et nous roulons à allure tranquille derrière la moto ouvreuse et la voiture de Didier et David. Je suis assez décontracté, mais j’ai hâte d’en découdre. Et je ne suis pas le seul ! Puisqu’il s’agit d’une course sprint, il faut dès le début ne pas perdre de temps et donc se placer au mieux une fois le départ réel donné. Je reste donc au sein du premier groupe et malgré la neutralisation, je sens que tout le monde est aussi impatient que moi puisque ça commence déjà à rouler assez vite.





Lorsque nous arrivons à hauteur du village de Santa Catarina da Fonte do Bispo, la moto de police ouvreuse ainsi que la voiture de Didier s’écartent et nous sommes lancés dans la première ascension du jour. Et évidemment les premières fusées sont lancées ! Clément et Marcel sont notamment deux coureurs habitués des premiers rôles sur ce genre d’épreuves et d’excellents grimpeurs. C’est donc la seule fois que je les verrai de la course puisqu’ils nous sèment dès les premiers mètres. Dès le début, je me sens bien et  monte à une bonne allure les premières difficultés. Le soleil n’est pas encore levé et c’est assez amusant de voir le train des lampes qui se suivent à distance respectable, dessinant ainsi le chemin que nous empruntons à travers les collines.




Mais les pourcentages sont un peu plus élevés que ce à quoi je m’attendais et je dois régulièrement monter en danseuse, alors que je suis sur le plus grand pignon. Je suis équipé d’un vélo Eddy Merckx EM525, le modèle le plus orienté course de la gamme et celui-ci est monté en 52-36 à l’avant et 11-30 à l’arrière. En Belgique, c’est le rapport idéal puisque les montées sont généralement assez courtes et je n’ai jamais rencontré de problèmes, même dans les Ardennes dans les fameuses côtes telles que de la Redoute. A ceci près que je n’étais absolument pas chargé alors que j’embarque 3 à 4 kilos de matériel et nourriture au Portugal. Après seulement deux heures, je pointe aux alentours du top 10 et nous sommes alors spectateurs d’un magnifique lever de soleil. Mais je sens que j’ai déjà laissé beaucoup d’énergie dans ces côtes très pentues. En effet, aux alentours du kilomètre 100 et après seulement quelques heures de course, je sens que je coince déjà. Je me fais dépasser par un concurrent, puis un autre. Et ainsi de suite. Je me suis littéralement cramé en seulement deux ou trois heures ! J’opte donc pour des pauses bien choisies et les plus courtes possibles afin de perdre le moins de temps possible puisque je ne vais pas assez vite. Je discute ci et là avec d’autres concurrents, mais tous ceux-ci me dépassent ensuite sans que je ne puisse rien faire. La journée continue néanmoins tranquillement sous un beau soleil et nous passons par des beaux paysages parsemés de collines. Nous traversons également le lac d’Alqueva qui reste pour moi l’un des plus beaux paysages que nous ayons vu durant cette épreuve.  




Il est 20h lorsque j’atteins le CP1, premier point de contrôle de la course situé à Vila Viçosa, après 332km et 15h de course. Je ne suis qu’en 18e position, ce qui n’est pas terrible en regard des ambitions que j’ai sur cette épreuve. J’arrive d’ailleurs juste après Leandro, dit Leo, le concurrent brésilien qui avait fait sensation lors de l’IncaDivide grâce à son courage et surtout un vélo d’une autre époque qu’il a réussi à emmener à la sixième place finale. L’ambiance au CP1 est assez festive avec le camion Red Bull, la musique et plusieurs sponsors de la course qui sont présents. Je profite du lieu pour faire une pause un peu plus longue, recharger les batteries de mon GPS et de ma lampe et bien manger avant d’attaquer la nuit. Je discute avec un peu tout le monde et notamment avec Leo qui me dit qu’il n’a pas de GPS. Je comprends mieux pourquoi il n’est arrivé que quelques minutes avant moi au CP1 alors qu’il me semblait beaucoup plus rapide, il devait sortir son téléphone à chaque carrefour pour vérifier sa route. Il me demande alors si nous pouvons faire un bout de chemin ensemble, au moins pour cette nuit, car il a peur de se perdre. N’ayant que peu de moyens, il a également des soucis de lampes et il serait donc préférable qu’il soit accompagné. C’est sans trop hésiter que j’accepte car c’est la première fois que je vais rouler une nuit entière et je me dis que ce n’est pas plus mal d’avoir d’autres coureurs aux alentours.


Entre le CP1 et le CP2, première expérience de nuit

Nous voilà donc à nouveau en route après avoir quitté le premier checkpoint aux alentours de 21h. Puisque plusieurs concurrents ont décidé de s’arrêter à l’hôtel qui accueillait le CP1 pour y dormir quelques heures, nous repartons Leo et moi, aux alentours de la dixième position. Et après quelques minutes seulement, nous entendons une roue libre s’approchant de nous, il s’agit de Rodney, vainqueur de la série BikingMan 2018 et actuel leader 2019. Il nous raconte qu’il était parti acheter quelques provisions pour la nuit dans une supérette et qu’il a décidé d’y faire un petit somme avant de reprendre la route. J’avais d’ailleurs discuté avec lui sur la ligne de départ ainsi que durant la matinée et il m’avait informé qu’il ne savait pas trop s’il allait pouvoir terminer l’épreuve à cause d’une douleur au tendon d’Achille suite à l’IncaDivide. Il a donc décidé de rouler prudemment, raison pour laquelle il ne joue pas les premiers rôles ici au Portugal, contrairement à ses habitudes. Nous roulons donc à trois et nous sommes ensuite rejoints par Jean-Paul, un concurrent français. C’est ainsi que nous attaquons la nuit en groupe dans la bonne humeur, mélangeant espagnol et français. Une heure plus tard environ, nous sommes rejoints par la voiture média de Cédric qui en profite pour capturer quelques images. A part Leo et moi qui allons forcément rouler la nuit ensemble pour des soucis de navigation de son côté, je ne sais pas si Rodney et Jean-Paul vont continuer encore longtemps avec nous car le sujet n’a pas encore été abordé. Le groupe s’étire de temps à autres, et nous sommes parfois séparés les uns des autres de 100 mètres pour cinq à dix minutes, mais nous ne nous perdons jamais de vue avec nos lampes dans l’obscurité.


Peu avant minuit, je suis victime d’une crevaison lente, m’obligeant à m’arrêter et réparer cela au plus vite. Et tout le monde en profite pour faire une pause. Ils auraient pu continuer, mais tous les trois restent sur le bord de la route et en profitent pour s’allonger et se reposer les quelques minutes que me prend ma réparation. Une fois le problème solutionné, nous sommes à nouveau en route. Nous arrivons aux abords de la ville d’Evora et sommes maintenant à la recherche d’un peu de nourriture, d’eau et d’une bonne boisson chaude. En effet, la nuit n’est pas spécialement froide mais l’air est fort humide, ce qui nous refroidit sensiblement lorsque nous roulons. J’avais vérifié avant le départ de la course et les températures les plus froides que nous devions rencontrer étaient aux alentours de 12-13°C, mais je n’avais pas fait attention au taux d’humidité. Nous souhaitons tous aller au McDo, mais celui-ci ferme dans quelques minutes et nous n’aurons pas le temps d’y arriver. Nous nous rabattons donc sur une pompe à essence et faisons alors nos réserves, avec un petit café en prime pour certains.

Nous repartons ainsi pour deux bonnes heures, toujours à un bon rythme et la fatigue ne me gagne pas encore, bien que nous soyons partis maintenant depuis plus de 20h. Mais Rodney nous annonce qu’il ne pourra pas rouler toute la nuit et qu’il ne va pas tarder à chercher un endroit où dormir. De toute façon, il est trop tôt pour y penser, je verrai bien sur le moment venu. Mais cela a donné des idées à Leo qui commence lui aussi à fatiguer et pense donc également s’arrêter. Et par un mécanisme de mimétisme ou par réelle fatigue, je commence donc également à ressentir les effets du manque de sommeil quelques minutes après cela. Entretemps, Jean-Paul nous a distancé car il avait clairement plus de ressources que le reste du groupe à ce moment-là. Peut-être était il également lassé par nos grande conversation en espagnol avec Leo et Rodney !

C’est sur les coups de 2h20 du matin que nous trouvons notre campement pour la nuit. Il s’agit d’un banc en béton situé devant des toilettes. Ca peut paraître rudimentaire, mais dans le cadre d’une telle course, c’est parfait, surtout que le banc est assez grand pour nous accueillir tous les trois. Je suis extrêmement heureux d’avoir pu rouler et de m’arrêter en compagnie de Rodney qui a énormément d’expérience dans ce genre d’épreuves. C’est l’occasion idéale pour moi de lui poser tout un tas de questions, tant au niveau sportif que technique, et d’en apprendre un maximum à ses côtés. Lorsque nous nous arrêtons, il fait 13°C, mais c’est surtout l’humidité qui me pose problème. En effet, mon maillot est très humide et me refroidit énormément. Evidemment, Rodney a quant à lui un maillot de rechange qui lui permet de passer la nuit au sec. Je m’empare donc de ma couverture de survie afin de me blottir dedans. C’est la première fois que j’en utilise une et il me faut donc quelques secondes pour me positionner correctement. Mais à nouveau, les bons conseils de Rodney me sont d’une grande utilité. Je suis rapidement imité par mes deux comparses et nous apprêtons à nous endormir pour une heure. Lorsque le réveil de Leo sonne, nous avons chacun beaucoup de mal à nous extirper de notre couverture de survie. De mon côté, j’ai très mal dormi car je suis frigorifié et n’ait absolument pas envie de quitter le peu de chaleur que me procure la couverture. Il ne fait plus que 10°C et je me vois mal repartir par une température pareille alors que je ne suis absolument pas échauffé. Pour cette course, j’avais prévu de partir très léger. Aussi, je n’avais prévu qu’une paire de manchettes et un coupe-vent sans manches. J’étais clairement sous-équipé pour affronter les nuits au cours de cette épreuve, mais je n’avais plus le choix. Pour minimiser le problème, je décide de fourrer la couverture de survie sous mon coupe-vent afin de garder un maximum de chaleur au niveau du buste.



Nous voilà donc repartis aux alentours de 4h40, mais sans Rodney qui décide de dormir encore un peu. Nous nous sommes finalement arrêtés plus de deux heures, ce qui est beaucoup trop à mon goût, ne perdons plus de temps. Dès les premiers tours de roue, j’ai extrêmement froid. Nous sommes en léger faux-plat descendant durant plusieurs kilomètres et je ne parviens pas à me réchauffer. Le reste de la nuit est donc un calvaire pour moi et je n’attends qu’une seule chose, le retour de soleil. Mais le lever du jour ne coïncide pas encore avec l’arrivée du soleil puisque les nuages sont de la partie. Le retour de la clarté me permet néanmoins de retrouver un peu le moral. Pour ce qui est de la fatigue, je ne l’ai pas vraiment subie sur la seconde partie de la nuit, c’est déjà ça.



Cela fait presque 500km que nous roulons et sommes maintenant arrivés sur la côte atlantique. Pour palier au manque de soleil, nous tentons de trouver un endroit où prendre un petit déjeuner. Arrivés à Melides, nous trouvons de quoi manger des bifanas, petits sandwichs chauds à base de porc, des pasteis de nata, une bonne boisson chaude et refaire nos réserves pour la journée. Une bonne demie heure plus tard, nous sommes à nouveau en selle, talonnés de près par Jacques, un concurrent français. Nous sommes actuellement aux 9e et 10e places.


Le soleil commence à faire son retour et nous réchauffe finalement. Je l’avais tant espéré et le voilà enfin, ce qui sonne la fin de mon calvaire. J’ai eu extrêmement froid cette nuit, ce qui m’a  coûté beaucoup d’énergie mais a également mis à mal mon moral. Je suis au plus bas ce matin et je ne me vois absolument pas passer une nouvelle nuit à rouler dans de telles conditions. Lorsque j’étais au plus bas sur l’IncaDivide, j’ai du faire un véritable travail sur moi-même afin de me remotiver et trouver la force de continuer. J’explique alors à Leo que je vais prendre une chambre d’hôtel pour la seconde nuit car je ne veux plus revivre ça et il se passe alors quelque chose d’incroyable. Tout le travail de remotivation que j’avais dû faire au Pérou, je n’ai plus à le faire moi-même car Leo va s’en charger ! Il me rappelle que je me suis fixé pour objectif de terminer la course en moins de 48h et qu’il ne me laissera donc pas abandonner. Et il parvient ainsi petit à petit à me remonter le moral grâce à son humilité et sa bonne humeur. La journée passe ensuite normalement, nous faisons peu d’arrêts avec Leo, si ce n’est pour un besoin naturel ou prendre quelques pommes dans un arbre. Oui car avec Leo on ne fait rien normalement !


Peu avant d’arriver au CP2, nous avons droit à la surprise d’Axel, l’organisateur de la série Bikingman. Il s’agit d’un segment gravel de sept kilomètres qui n’a rien d’effrayant mais qui a le don de casser notre rythme et de jouer avec mes nerfs. En effet, après 36 heures de courses, je commence à fatiguer et je n’ai vraiment pas envie d’être victime d’une crevaison à cet instant. Malgré tout, le paysage est superbe avec une magnifique vue sur Sagres et l’océan. Nous arrivons finalement au CP2 vers 17h et nous ne sommes pas très loin du concurrent qui nous précède et celui qui nous suit n’est pas loin non plus, à 1h30 tout au plus. Par conséquent, nous ne voulons vraiment pas rester très longtemps au checkpoint afin de perdre un minimum de temps. Mais ce n’est pas du tout ce qui va se passer puisque nous sommes fatigués et que le simple fait de pouvoir nous asseoir avec des boissons et un peu de nourriture nous fait le plus grand bien. Après 45 minutes, il est temps pour nous de reprendre la route et j’essaye de motiver Leo à repartir. Je n’ai aucune obligation de l’attendre, mais il n’a toujours pas de GPS ni de lampes pour la nuit et il m’a permis de retrouver une pleine motivation après une nuit très difficile. Je l’attends donc mais je commence à perdre patience car il n’est pas pressé. Il parle aux gens, fait ses réserves et prend énormément de temps pour faire tout cela. Nous repartons finalement après plus d’une heure d’arrêt afin d’attaquer notre dernière nuit. Il est environ 18h et il nous reste 269 km à couvrir, ce qui veut dire que l’objectif de 48h n’est plus réalisable. Peu importe, une place dans le Top 10 est toujours à assurer.




Du CP2 à l’arrivée, quand les dinosaures s’en mêlent

Les premiers kilomètres qui suivent le CP2 se font sur de superbes petites routes de campagne assez vallonnées et c’est un réel plaisir de rouler dans de telles conditions. Notre rythme est bon et l’ambiance est au beau fixe avec un Leo toujours très décontracté et souriant comme à son habitude. Vers 20h30, nous cherchons un endroit pour rapidement manger quelque chose et faire des réserves pour la nuit. Deux bifanas avalés et deux sandwichs embarqués chacun et nous voilà repartis dans l’obscurité la plus totale avec pour objectif de terminer au plus vite. A ce moment-là, nous ne sommes pas loin de Niel, un concurrent anglais habitué des épreuves d’ultra, et notre objectif est alors de le dépasser. Mais ce dernier va grandement nous faciliter la tâche puisqu’il décide de s’arrêter dans un hôtel. Nous n’en demandions pas tant, mais gagnons ainsi une place.

C’est maintenant Jean-Paul qui est devant nous, avec environ deux heures d’avance. Mais son point ne bouge plus et nous fondons sur lui. Je suis alors contacté par Axel qui me demande d’aller vérifier au km 781, lieu où Jean-Paul s’est arrêté, pour voir s’il se trouve bien là. En effet, il n’a plus donné de nouvelles à sa famille depuis plus de deux heures alors qu’il les avait prévenus qu’il s’arrêterait 30 minutes. C’est assez inquiétant et je redoute un peu ce que nous allons trouver. En effet, Jean-Paul a peut-être eu un accident dans la descente et je ne peux m’empêcher d’y penser alors qu’on espère que tout le monde pourra passer la ligne d’arrivée sans problèmes. Lorsque nous arrivons au lieu indiqué par Axel, nous ne trouvons aucune trace de Jean-Paul. Ce dernier vient juste de repartir car le livetracker indique que son point est de nouveau en mouvement. Bonne nouvelle, non seulement il va bien, mais il est également juste devant nous. Nous pourrions alors partir à sa poursuite, mais Leo et moi commençons vraiment à fatiguer alors qu’il n’est que minuit. Nous laissons donc filer Jean-Paul et nous effondrons sur le bord de la route, à même l’herbe avec la couverture de survie sous mon gilet et sans même enlever mon casque. C’est parti pour 30 minutes de sommeil pour recharger les batteries.

Lorsque je me réveille, je suis à nouveau frigorifié et je grelotte extrêmement fort. Il me faut plusieurs minutes sur le bord de la route pour me réchauffer. Une fois sur le vélo, nous commençons évidemment par une descente, ce qui n’arrange rien. Heureusement, les descentes ne sont jamais trop longues et nous voilà rapidement dans une montée. La qualité de l’asphalte s’est néanmoins dégradée et il devient plus difficile d’avancer car cela devient douloureux au niveau des mains. Mais nous continuons sur un bon rythme. Nous sommes maintenant au beau milieu de la nuit et je commence à nouveau à fatiguer. Mais plus question de nous arrêter, nous avons perdu assez de temps comme ça. Pourtant, ça devient de plus en plus difficile et je me sens même m’endormir durant une fraction de secondes sur le vélo à deux reprises. Cela devient trop dangereux et je décide de faire une pause pour manger un sandwich et boire un Redbull. C’est une bonne décision puisqu’une fois à nouveau sur le vélo, les signes de fatigue ont disparu. Mais ceux-ci vont laisser place à d’autres symptômes de la fatigue, les hallucinations ! Je vois régulièrement apparaître des choses qui bougent lorsque je regarde les bords de la route. Au début je me dis que c’est à cause de ma légère presbytie. Mais ça continue et je vois désormais les arbres se mouvoir et ressembler à des personnes qui bougent. Les herbes hautes deviennent alors des animaux dans ma tête et je sens que je commence à halluciner. Le clou du spectacle vient finalement lorsque j’aperçois un dinosaure qui se cache entre les arbres le long de la route. Je n’ai pas vraiment le temps de réagir et celui-ci a déjà disparu. Je me frotte les yeux et je réalise ce qu’il m’arrive. C’est complètement dément et cela me permet de me rendre compte des réactions du corps lorsqu’il est privé de sommeil, tout en devant effectuer un effort tout le long.

Au petit matin, nous voyons les premières lueurs du jour apparaître. S’ensuit un magnifique lever de soleil dont j’ai l’impression d’être un témoin privilégié. Tout euphoriques que nous sommes, nous en profitons pour faire quelques photos dans ce décor tout simplement somptueux. Ca y est, nous venons de passer notre seconde nuit à rouler et ce, presque sans dormir. Il nous reste une centaine de kilomètres avant d’arriver à Faro et, à moins d’un ennui mécanique, nous ne devrions plus être rejoints par nos poursuivant. Nous effectuons donc les cent derniers kilomètres avec une certaine décontraction et dans la bonne humeur.



Puisque nous avons effectué la quasi totalité de la course ensemble, Leo et moi devons alors nous départager et la question arrive à une cinquantaine de kilomètres de l’arrivée. Nous tombons d’accord sur la manière de procéder, nous allons nous battre lors d’un sprint sur les vingt derniers kilomètres. La bonne nouvelle pour moi est que le point de départ que nous avons choisi se situe en descente et que je suis assez rapide dans ces conditions. Lorsque nous donnons le départ de notre duel, je m’élance et me dis qu’il n’est pas prêt de me suivre. Mais c’est sans compter sur la puissance de Leo qui revient alors assez facilement sur moi et qui me dépasse ensuite. Mais il n’a toujours pas de GPS et ne peut donc pas facilement s’échapper. De plus, nous arrivons dans des zones où le trafic se fait plus dense et il n’est plus raisonnable de faire une course entre nous deux dans ces conditions. Nous roulons à nouveau tranquillement côte à côte lorsque j’aperçois une courte montée assez pentue. Je lui propose alors un ultime duel sur les 30 secondes que nous prendra cette ascension et lorsque nous nous élançons, je donne tout ce qu’il me reste. Mais à nouveau, Leo fait étalage de sa puissance et je ne peux strictement rien faire. Arrivés en haut, je le félicite et lui annonce qu’il va terminer à la huitième place de l’épreuve ! C’est amplement mérité puisqu’il aurait de toute façon terminé devant moi s’il avait eu un GPS tant il est rapide.

Les derniers kilomètres sont comme une balade entre potes et nous approchons petit à petit de Faro. A quelques centaines de mètres de Faro, nous sommes rejoints par Axel qui décide de nous escorter jusqu’à l’arrivée afin de prendre quelques photos et effectuer une vidéo en live pour les réseaux sociaux. Et lorsque nous arrivons sur le Jardim Manuel Bivar, situé juste à côté du lieu de départ, nous sommes accueillis par tous les gens du village d’arrivée dans une ambiance incroyable. Ca y est, je viens de terminer ma deuxième course d’ultra à la 9e place (8e ex-aequo avec Leo) et je viens de passer deux nuits quasiment sans dormir. Sur papier, cette course devait être plus facile que l’IncaDivide, mais ce fut tout à fait le contraire. L’absence de sommeil et la vitesse moyenne élevée des autres concurrents a rendu la course très difficile mais totalement magique tant j’ai adoré ce format sprint. Mon choix de laisser la transmission en 52-36 à l’avant n’aura pas été le meilleur puisque je me suis probablement un peu cramé dans les premières heures de course. Le froid ne m’a pas facilité la tâche puisque j’ai également perdu beaucoup d’énergie lors de nos arrêts nocturnes.

L’objectif de 48h n’a donc pas été réalisé mais je viens de parcourir 950 km d’une seule traite en 54h30. De plus, nous avons partagé des moments incroyables avec Leo avec qui nous nous sommes liés d’amitié en l’espace de deux jours. A aucun moment je ne me suis posé la question de savoir si j’allais terminer sans lui tant il était évident que nous devions rouler à deux. Non seulement il n’avait pas de GPS ni de lampes correctes, mais en plus il m’a remonté le moral après la première nuit et je n’aurais probablement pas pu rouler l’entièreté de la seconde nuit s’il n’avait pas été là. Et c’est probablement ça l’esprit des courses BikingMan !









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