BikingMan Portugal - Rapport de course en Français
Moins d’un mois après avoir terminé
l’IncaDivide et trois jours seulement après être rentré de mon voyage au Pérou
au cours duquel Elo m’avait rejoint, me voilà déjà reparti sur les lieux de ma
prochaine course, le Portugal. C’est dans le sud du pays, et plus précisément
dans l’Algarve et l’Alentejo, que se déroule la cinquième manche du championnat
BikingMan. La première édition de ce BikingMan Portugal s’élancera de Faro pour
effectuer une boucle de 950 km et un dénivelé positif de 11.000m.
Après être rentré du Pérou, j’ai eu deux jours
pour courir dans tous les sens et préparer tout ce dont j’avais besoin pour la
course à venir. En effet, alors que j’avais pris mon Canyon Inflite pour
l’IncaDivide où les surfaces étaient très variables, c’est désormais mon vélo
de course Merckx EM525 que j’embarque au Portugal. Si les routes portugaises ne
sont pas forcément en bien meilleur état que ce que j’ai pu rencontrer au
Pérou, l’absence de segments gravel
permet de prendre un vélo uniquement dédié à la route. Une petite exception
toutefois puisque nous sommes prévenus, Axel, l’organisateur de la série
BikingMan, nous a réservé une petite surprise avec un segment d’environ 7 km de
route gravillonnée, mais pas de quoi me faire peur après le Pérou. Sur papier,
cette épreuve est également bien plus simple que l’IncaDivide puisque le
parcours ne fait que 950 km, les ascensions y sont nettement moins longues et
les pourcentages ne devraient pas poser trop de problèmes. Néanmoins, cela nous
promet une course rapide et je ne devrais pas avoir beaucoup de moments de
répits. De plus, la stratégie est simple, dormir le moins possible, et
certainement pas dans un hôtel, afin d’effectuer les 950 km en moins de 48h.
Ceci est très ambitieux, d’autant que je n’ai jamais réellement roulé de nuit
ni passé autant d’heures sur un vélo sans dormir. Mais, fort de ma belle
performance le mois précédent sur l’IncaDivide, je suis confiant et ultra
motivé !
Les fusées sont lancées après le départ à Faro
Après un petit déjeuner très matinal, je me
présente sur la ligne de départ sous l’Arco
da Vila, arche aux portes de l’ancienne ville de Faro située juste en face
du Jardim Manuel Bivar. Le départ est
donné à 5h précise et l’ensemble des 78 coureurs s’élance vers la sortie de la
ville sous l’escorte de la police locale. Comme à chaque course BikingMan, la
première heure est neutralisée et nous roulons à allure tranquille derrière la
moto ouvreuse et la voiture de Didier et David. Je suis assez décontracté, mais
j’ai hâte d’en découdre. Et je ne suis pas le seul ! Puisqu’il s’agit
d’une course sprint, il faut dès le
début ne pas perdre de temps et donc se placer au mieux une fois le départ réel
donné. Je reste donc au sein du premier groupe et malgré la neutralisation, je
sens que tout le monde est aussi impatient que moi puisque ça commence déjà à rouler
assez vite.
Lorsque nous arrivons à hauteur du village de
Santa Catarina da Fonte do Bispo, la moto de police ouvreuse ainsi que la
voiture de Didier s’écartent et nous sommes lancés dans la première ascension
du jour. Et évidemment les premières fusées sont lancées ! Clément et
Marcel sont notamment deux coureurs habitués des premiers rôles sur ce genre
d’épreuves et d’excellents grimpeurs. C’est donc la seule fois que je les verrai
de la course puisqu’ils nous sèment dès les premiers mètres. Dès le début, je
me sens bien et monte à une bonne allure
les premières difficultés. Le soleil n’est pas encore levé et c’est assez
amusant de voir le train des lampes qui se suivent à distance respectable,
dessinant ainsi le chemin que nous empruntons à travers les collines.
Mais les pourcentages sont un peu plus élevés
que ce à quoi je m’attendais et je dois régulièrement monter en danseuse, alors
que je suis sur le plus grand pignon. Je suis équipé d’un vélo Eddy Merckx
EM525, le modèle le plus orienté course de la gamme et celui-ci est monté en
52-36 à l’avant et 11-30 à l’arrière. En Belgique, c’est le rapport idéal
puisque les montées sont généralement assez courtes et je n’ai jamais rencontré
de problèmes, même dans les Ardennes dans les fameuses côtes telles que de la
Redoute. A ceci près que je n’étais absolument pas chargé alors que j’embarque
3 à 4 kilos de matériel et nourriture au Portugal. Après seulement deux heures,
je pointe aux alentours du top 10 et nous sommes alors spectateurs d’un
magnifique lever de soleil. Mais je sens que j’ai déjà laissé beaucoup
d’énergie dans ces côtes très pentues. En effet, aux alentours du kilomètre 100
et après seulement quelques heures de course, je sens que je coince déjà. Je me
fais dépasser par un concurrent, puis un autre. Et ainsi de suite. Je me suis
littéralement cramé en seulement deux ou trois heures ! J’opte donc pour
des pauses bien choisies et les plus courtes possibles afin de perdre le moins
de temps possible puisque je ne vais pas assez vite. Je discute ci et là avec
d’autres concurrents, mais tous ceux-ci me dépassent ensuite sans que je ne
puisse rien faire. La journée continue néanmoins tranquillement sous un beau
soleil et nous passons par des beaux paysages parsemés de collines. Nous
traversons également le lac d’Alqueva qui reste pour moi l’un des plus beaux
paysages que nous ayons vu durant cette épreuve.
Il est 20h lorsque j’atteins le CP1, premier
point de contrôle de la course situé à Vila Viçosa, après 332km et 15h de
course. Je ne suis qu’en 18e position, ce qui n’est pas terrible en
regard des ambitions que j’ai sur cette épreuve. J’arrive d’ailleurs juste
après Leandro, dit Leo, le concurrent brésilien qui avait fait sensation lors
de l’IncaDivide grâce à son courage et surtout un vélo d’une autre époque qu’il
a réussi à emmener à la sixième place finale. L’ambiance au CP1 est assez
festive avec le camion Red Bull, la
musique et plusieurs sponsors de la course qui sont présents. Je profite du lieu
pour faire une pause un peu plus longue, recharger les batteries de mon GPS et
de ma lampe et bien manger avant d’attaquer la nuit. Je discute avec un peu
tout le monde et notamment avec Leo qui me dit qu’il n’a pas de GPS. Je
comprends mieux pourquoi il n’est arrivé que quelques minutes avant moi au CP1
alors qu’il me semblait beaucoup plus rapide, il devait sortir son téléphone à
chaque carrefour pour vérifier sa route. Il me demande alors si nous pouvons
faire un bout de chemin ensemble, au moins pour cette nuit, car il a peur de se
perdre. N’ayant que peu de moyens, il a également des soucis de lampes et il
serait donc préférable qu’il soit accompagné. C’est sans trop hésiter que
j’accepte car c’est la première fois que je vais rouler une nuit entière et je
me dis que ce n’est pas plus mal d’avoir d’autres coureurs aux alentours.
Entre le CP1 et le CP2, première expérience de nuit
Nous voilà donc à nouveau en route après avoir
quitté le premier checkpoint aux
alentours de 21h. Puisque plusieurs concurrents ont décidé de s’arrêter à
l’hôtel qui accueillait le CP1 pour y dormir quelques heures, nous repartons
Leo et moi, aux alentours de la dixième position. Et après quelques minutes
seulement, nous entendons une roue libre s’approchant de nous, il s’agit de
Rodney, vainqueur de la série BikingMan 2018 et actuel leader 2019. Il nous raconte
qu’il était parti acheter quelques provisions pour la nuit dans une supérette
et qu’il a décidé d’y faire un petit somme avant de reprendre la route. J’avais
d’ailleurs discuté avec lui sur la ligne de départ ainsi que durant la matinée
et il m’avait informé qu’il ne savait pas trop s’il allait pouvoir terminer
l’épreuve à cause d’une douleur au tendon d’Achille suite à l’IncaDivide. Il a
donc décidé de rouler prudemment, raison pour laquelle il ne joue pas les
premiers rôles ici au Portugal, contrairement à ses habitudes. Nous roulons
donc à trois et nous sommes ensuite rejoints par Jean-Paul, un concurrent français.
C’est ainsi que nous attaquons la nuit en groupe dans la bonne humeur,
mélangeant espagnol et français. Une heure plus tard environ, nous sommes
rejoints par la voiture média de Cédric qui en profite pour capturer quelques
images. A part Leo et moi qui allons forcément rouler la nuit ensemble pour des
soucis de navigation de son côté, je ne sais pas si Rodney et Jean-Paul vont
continuer encore longtemps avec nous car le sujet n’a pas encore été abordé. Le
groupe s’étire de temps à autres, et nous sommes parfois séparés les uns des
autres de 100 mètres pour cinq à dix minutes, mais nous ne nous perdons jamais
de vue avec nos lampes dans l’obscurité.
Peu avant minuit, je suis victime d’une
crevaison lente, m’obligeant à m’arrêter et réparer cela au plus vite. Et tout
le monde en profite pour faire une pause. Ils auraient pu continuer, mais tous
les trois restent sur le bord de la route et en profitent pour s’allonger et se
reposer les quelques minutes que me prend ma réparation. Une fois le problème
solutionné, nous sommes à nouveau en route. Nous arrivons aux abords de la
ville d’Evora et sommes maintenant à la recherche d’un peu de nourriture, d’eau
et d’une bonne boisson chaude. En effet, la nuit n’est pas spécialement froide
mais l’air est fort humide, ce qui nous refroidit sensiblement lorsque nous
roulons. J’avais vérifié avant le départ de la course et les températures les
plus froides que nous devions rencontrer étaient aux alentours de 12-13°C, mais
je n’avais pas fait attention au taux d’humidité. Nous souhaitons tous aller au
McDo, mais celui-ci ferme dans quelques minutes et nous n’aurons pas le temps
d’y arriver. Nous nous rabattons donc sur une pompe à essence et faisons alors
nos réserves, avec un petit café en prime pour certains.
Nous repartons ainsi pour deux bonnes heures,
toujours à un bon rythme et la fatigue ne me gagne pas encore, bien que nous
soyons partis maintenant depuis plus de 20h. Mais Rodney nous annonce qu’il ne
pourra pas rouler toute la nuit et qu’il ne va pas tarder à chercher un endroit
où dormir. De toute façon, il est trop tôt pour y penser, je verrai bien sur le
moment venu. Mais cela a donné des idées à Leo qui commence lui aussi à
fatiguer et pense donc également s’arrêter. Et par un mécanisme de mimétisme ou
par réelle fatigue, je commence donc également à ressentir les effets du manque
de sommeil quelques minutes après cela. Entretemps, Jean-Paul nous a distancé
car il avait clairement plus de ressources que le reste du groupe à ce
moment-là. Peut-être était il également lassé par nos grande conversation en
espagnol avec Leo et Rodney !
C’est sur les coups de 2h20 du matin que nous
trouvons notre campement pour la nuit. Il s’agit d’un banc en béton situé
devant des toilettes. Ca peut paraître rudimentaire, mais dans le cadre d’une
telle course, c’est parfait, surtout que le banc est assez grand pour nous
accueillir tous les trois. Je suis extrêmement heureux d’avoir pu rouler et de
m’arrêter en compagnie de Rodney qui a énormément d’expérience dans ce genre
d’épreuves. C’est l’occasion idéale pour moi de lui poser tout un tas de
questions, tant au niveau sportif que technique, et d’en apprendre un maximum à
ses côtés. Lorsque nous nous arrêtons, il fait 13°C, mais c’est surtout
l’humidité qui me pose problème. En effet, mon maillot est très humide et me
refroidit énormément. Evidemment, Rodney a quant à lui un maillot de rechange
qui lui permet de passer la nuit au sec. Je m’empare donc de ma couverture de
survie afin de me blottir dedans. C’est la première fois que j’en utilise une
et il me faut donc quelques secondes pour me positionner correctement. Mais à
nouveau, les bons conseils de Rodney me sont d’une grande utilité. Je suis
rapidement imité par mes deux comparses et nous apprêtons à nous endormir pour
une heure. Lorsque le réveil de Leo sonne, nous avons chacun beaucoup de mal à
nous extirper de notre couverture de survie. De mon côté, j’ai très mal dormi
car je suis frigorifié et n’ait absolument pas envie de quitter le peu de
chaleur que me procure la couverture. Il ne fait plus que 10°C et je me vois
mal repartir par une température pareille alors que je ne suis absolument pas
échauffé. Pour cette course, j’avais prévu de partir très léger. Aussi, je
n’avais prévu qu’une paire de manchettes et un coupe-vent sans manches. J’étais
clairement sous-équipé pour affronter les nuits au cours de cette épreuve, mais
je n’avais plus le choix. Pour minimiser le problème, je décide de fourrer la
couverture de survie sous mon coupe-vent afin de garder un maximum de chaleur
au niveau du buste.
Nous voilà donc repartis aux alentours de
4h40, mais sans Rodney qui décide de dormir encore un peu. Nous nous sommes finalement
arrêtés plus de deux heures, ce qui est beaucoup trop à mon goût, ne perdons
plus de temps. Dès les premiers tours de roue, j’ai extrêmement froid. Nous
sommes en léger faux-plat descendant durant plusieurs kilomètres et je ne
parviens pas à me réchauffer. Le reste de la nuit est donc un calvaire pour moi
et je n’attends qu’une seule chose, le retour de soleil. Mais le lever du jour
ne coïncide pas encore avec l’arrivée du soleil puisque les nuages sont de la
partie. Le retour de la clarté me permet néanmoins de retrouver un peu le
moral. Pour ce qui est de la fatigue, je ne l’ai pas vraiment subie sur la
seconde partie de la nuit, c’est déjà ça.
Cela fait presque 500km que nous roulons et
sommes maintenant arrivés sur la côte atlantique. Pour palier au manque de
soleil, nous tentons de trouver un endroit où prendre un petit déjeuner. Arrivés
à Melides, nous trouvons de quoi manger des bifanas,
petits sandwichs chauds à base de porc, des pasteis
de nata, une bonne boisson chaude et refaire nos réserves pour la journée.
Une bonne demie heure plus tard, nous sommes à nouveau en selle, talonnés de
près par Jacques, un concurrent français. Nous sommes actuellement aux 9e
et 10e places.
Le soleil commence à faire son retour et nous
réchauffe finalement. Je l’avais tant espéré et le voilà enfin, ce qui sonne la
fin de mon calvaire. J’ai eu extrêmement froid cette nuit, ce qui m’a coûté beaucoup d’énergie mais a également mis
à mal mon moral. Je suis au plus bas ce matin et je ne me vois absolument pas
passer une nouvelle nuit à rouler dans de telles conditions. Lorsque j’étais au
plus bas sur l’IncaDivide, j’ai du faire un véritable travail sur moi-même afin
de me remotiver et trouver la force de continuer. J’explique alors à Leo que je
vais prendre une chambre d’hôtel pour la seconde nuit car je ne veux plus revivre
ça et il se passe alors quelque chose d’incroyable. Tout le travail de
remotivation que j’avais dû faire au Pérou, je n’ai plus à le faire moi-même
car Leo va s’en charger ! Il me rappelle que je me suis fixé pour objectif
de terminer la course en moins de 48h et qu’il ne me laissera donc pas
abandonner. Et il parvient ainsi petit à petit à me remonter le moral grâce à
son humilité et sa bonne humeur. La journée passe ensuite normalement, nous
faisons peu d’arrêts avec Leo, si ce n’est pour un besoin naturel ou prendre
quelques pommes dans un arbre. Oui car avec Leo on ne fait rien
normalement !
Peu avant d’arriver au CP2, nous avons droit à
la surprise d’Axel, l’organisateur de la série Bikingman. Il s’agit d’un
segment gravel de sept kilomètres qui
n’a rien d’effrayant mais qui a le don de casser notre rythme et de jouer avec
mes nerfs. En effet, après 36 heures de courses, je commence à fatiguer et je
n’ai vraiment pas envie d’être victime d’une crevaison à cet instant. Malgré
tout, le paysage est superbe avec une magnifique vue sur Sagres et l’océan. Nous
arrivons finalement au CP2 vers 17h et nous ne sommes pas très loin du
concurrent qui nous précède et celui qui nous suit n’est pas loin non plus, à
1h30 tout au plus. Par conséquent, nous ne voulons vraiment pas rester très
longtemps au checkpoint afin de
perdre un minimum de temps. Mais ce n’est pas du tout ce qui va se passer
puisque nous sommes fatigués et que le simple fait de pouvoir nous asseoir avec
des boissons et un peu de nourriture nous fait le plus grand bien. Après 45
minutes, il est temps pour nous de reprendre la route et j’essaye de motiver
Leo à repartir. Je n’ai aucune obligation de l’attendre, mais il n’a toujours
pas de GPS ni de lampes pour la nuit et il m’a permis de retrouver une pleine
motivation après une nuit très difficile. Je l’attends donc mais je commence à
perdre patience car il n’est pas pressé. Il parle aux gens, fait ses réserves et
prend énormément de temps pour faire tout cela. Nous repartons finalement après
plus d’une heure d’arrêt afin d’attaquer notre dernière nuit. Il est environ
18h et il nous reste 269 km à couvrir, ce qui veut dire que l’objectif de 48h
n’est plus réalisable. Peu importe, une place dans le Top 10 est toujours à
assurer.
Du CP2 à l’arrivée, quand les dinosaures s’en mêlent
Les premiers kilomètres qui suivent le CP2 se
font sur de superbes petites routes de campagne assez vallonnées et c’est un
réel plaisir de rouler dans de telles conditions. Notre rythme est bon et
l’ambiance est au beau fixe avec un Leo toujours très décontracté et souriant
comme à son habitude. Vers 20h30, nous cherchons un endroit pour rapidement
manger quelque chose et faire des réserves pour la nuit. Deux bifanas avalés et deux sandwichs
embarqués chacun et nous voilà repartis dans l’obscurité la plus totale avec
pour objectif de terminer au plus vite. A ce moment-là, nous ne sommes pas loin
de Niel, un concurrent anglais habitué des épreuves d’ultra, et notre objectif
est alors de le dépasser. Mais ce dernier va grandement nous faciliter la tâche
puisqu’il décide de s’arrêter dans un hôtel. Nous n’en demandions pas tant,
mais gagnons ainsi une place.
C’est maintenant Jean-Paul qui est devant
nous, avec environ deux heures d’avance. Mais son point ne bouge plus et nous
fondons sur lui. Je suis alors contacté par Axel qui me demande d’aller
vérifier au km 781, lieu où Jean-Paul s’est arrêté, pour voir s’il se trouve
bien là. En effet, il n’a plus donné de nouvelles à sa famille depuis plus de
deux heures alors qu’il les avait prévenus qu’il s’arrêterait 30 minutes. C’est
assez inquiétant et je redoute un peu ce que nous allons trouver. En effet,
Jean-Paul a peut-être eu un accident dans la descente et je ne peux m’empêcher
d’y penser alors qu’on espère que tout le monde pourra passer la ligne
d’arrivée sans problèmes. Lorsque nous arrivons au lieu indiqué par Axel, nous
ne trouvons aucune trace de Jean-Paul. Ce dernier vient juste de repartir car
le livetracker indique que son point
est de nouveau en mouvement. Bonne nouvelle, non seulement il va bien, mais il
est également juste devant nous. Nous pourrions alors partir à sa poursuite,
mais Leo et moi commençons vraiment à fatiguer alors qu’il n’est que minuit.
Nous laissons donc filer Jean-Paul et nous effondrons sur le bord de la route,
à même l’herbe avec la couverture de survie sous mon gilet et sans même enlever
mon casque. C’est parti pour 30 minutes de sommeil pour recharger les
batteries.
Lorsque je me réveille, je suis à nouveau
frigorifié et je grelotte extrêmement fort. Il me faut plusieurs minutes sur le
bord de la route pour me réchauffer. Une fois sur le vélo, nous commençons évidemment
par une descente, ce qui n’arrange rien. Heureusement, les descentes ne sont
jamais trop longues et nous voilà rapidement dans une montée. La qualité de
l’asphalte s’est néanmoins dégradée et il devient plus difficile d’avancer car cela
devient douloureux au niveau des mains. Mais nous continuons sur un bon rythme.
Nous sommes maintenant au beau milieu de la nuit et je commence à nouveau à
fatiguer. Mais plus question de nous arrêter, nous avons perdu assez de temps
comme ça. Pourtant, ça devient de plus en plus difficile et je me sens
même m’endormir durant une fraction de secondes sur le vélo à deux reprises.
Cela devient trop dangereux et je décide de faire une pause pour manger un sandwich
et boire un Redbull. C’est une bonne
décision puisqu’une fois à nouveau sur le vélo, les signes de fatigue ont
disparu. Mais ceux-ci vont laisser place à d’autres symptômes de la fatigue,
les hallucinations ! Je vois régulièrement apparaître des choses qui
bougent lorsque je regarde les bords de la route. Au début je me dis que c’est
à cause de ma légère presbytie. Mais ça continue et je vois désormais les
arbres se mouvoir et ressembler à des personnes qui bougent. Les herbes hautes
deviennent alors des animaux dans ma tête et je sens que je commence à
halluciner. Le clou du spectacle vient finalement lorsque j’aperçois un
dinosaure qui se cache entre les arbres le long de la route. Je n’ai pas
vraiment le temps de réagir et celui-ci a déjà disparu. Je me frotte les yeux
et je réalise ce qu’il m’arrive. C’est complètement dément et cela me permet de
me rendre compte des réactions du corps lorsqu’il est privé de sommeil, tout en
devant effectuer un effort tout le long.
Au petit matin, nous voyons les premières
lueurs du jour apparaître. S’ensuit un magnifique lever de soleil dont j’ai
l’impression d’être un témoin privilégié. Tout euphoriques que nous sommes,
nous en profitons pour faire quelques photos dans ce décor tout simplement
somptueux. Ca y est, nous venons de passer notre seconde nuit à rouler et ce,
presque sans dormir. Il nous reste une centaine de kilomètres avant d’arriver à
Faro et, à moins d’un ennui mécanique, nous ne devrions plus être rejoints par
nos poursuivant. Nous effectuons donc les cent derniers kilomètres avec une
certaine décontraction et dans la bonne humeur.
Puisque nous avons effectué la quasi totalité
de la course ensemble, Leo et moi devons alors nous départager et la question
arrive à une cinquantaine de kilomètres de l’arrivée. Nous tombons d’accord sur
la manière de procéder, nous allons nous battre lors d’un sprint sur les vingt
derniers kilomètres. La bonne nouvelle pour moi est que le point de départ que
nous avons choisi se situe en descente et que je suis assez rapide dans ces
conditions. Lorsque nous donnons le départ de notre duel, je m’élance et me dis
qu’il n’est pas prêt de me suivre. Mais c’est sans compter sur la puissance de
Leo qui revient alors assez facilement sur moi et qui me dépasse ensuite. Mais
il n’a toujours pas de GPS et ne peut donc pas facilement s’échapper. De plus,
nous arrivons dans des zones où le trafic se fait plus dense et il n’est plus
raisonnable de faire une course entre nous deux dans ces conditions. Nous
roulons à nouveau tranquillement côte à côte lorsque j’aperçois une courte
montée assez pentue. Je lui propose alors un ultime duel sur les 30 secondes
que nous prendra cette ascension et lorsque nous nous élançons, je donne tout
ce qu’il me reste. Mais à nouveau, Leo fait étalage de sa puissance et je ne
peux strictement rien faire. Arrivés en haut, je le félicite et lui annonce
qu’il va terminer à la huitième place de l’épreuve ! C’est amplement
mérité puisqu’il aurait de toute façon terminé devant moi s’il avait eu un GPS
tant il est rapide.
Les derniers kilomètres sont comme une balade
entre potes et nous approchons petit à petit de Faro. A quelques centaines de
mètres de Faro, nous sommes rejoints par Axel qui décide de nous escorter
jusqu’à l’arrivée afin de prendre quelques photos et effectuer une vidéo en
live pour les réseaux sociaux. Et lorsque nous arrivons sur le Jardim Manuel Bivar, situé juste à côté
du lieu de départ, nous sommes accueillis par tous les gens du village
d’arrivée dans une ambiance incroyable. Ca y est, je viens de terminer ma
deuxième course d’ultra à la 9e place (8e ex-aequo avec Leo) et je viens de passer deux nuits quasiment sans dormir.
Sur papier, cette course devait être plus facile que l’IncaDivide, mais ce fut
tout à fait le contraire. L’absence de sommeil et la vitesse moyenne élevée des
autres concurrents a rendu la course très difficile mais totalement magique
tant j’ai adoré ce format sprint. Mon
choix de laisser la transmission en 52-36 à l’avant n’aura pas été le meilleur
puisque je me suis probablement un peu cramé dans les premières heures de
course. Le froid ne m’a pas facilité la tâche puisque j’ai également perdu
beaucoup d’énergie lors de nos arrêts nocturnes.
L’objectif de 48h n’a donc pas été réalisé mais je viens de parcourir 950 km d’une seule traite en 54h30. De plus, nous avons partagé des moments incroyables avec Leo avec qui nous nous sommes liés d’amitié en l’espace de deux jours. A aucun moment je ne me suis posé la question de savoir si j’allais terminer sans lui tant il était évident que nous devions rouler à deux. Non seulement il n’avait pas de GPS ni de lampes correctes, mais en plus il m’a remonté le moral après la première nuit et je n’aurais probablement pas pu rouler l’entièreté de la seconde nuit s’il n’avait pas été là. Et c’est probablement ça l’esprit des courses BikingMan !
L’objectif de 48h n’a donc pas été réalisé mais je viens de parcourir 950 km d’une seule traite en 54h30. De plus, nous avons partagé des moments incroyables avec Leo avec qui nous nous sommes liés d’amitié en l’espace de deux jours. A aucun moment je ne me suis posé la question de savoir si j’allais terminer sans lui tant il était évident que nous devions rouler à deux. Non seulement il n’avait pas de GPS ni de lampes correctes, mais en plus il m’a remonté le moral après la première nuit et je n’aurais probablement pas pu rouler l’entièreté de la seconde nuit s’il n’avait pas été là. Et c’est probablement ça l’esprit des courses BikingMan !
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