IncaDivide - Jour 2 : Première rencontre avec le gravel péruvien
La journée commence tranquillement. Après
quelques soucis de carte de crédit à Trujillo, je ne prends aucun risque et
décide de reprendre un peu d’espèces dans la banque située juste à côté de mon hôtel
de Cajamrca afin d’effectuer la traversée de la Cordillera Negra en toute sérénité avec suffisamment d’argent. En
effet, il n’y aura plus forcément de distributeurs avant un petit moment et
mieux vaut prendre ses précautions. Je prends donc la route sur les coups de 5h
du matin, il fait encore nuit et la ville est très calme par rapport au
capharnaüm que j’avais constaté la veille lors de mon arrivée. Ce n’est pas
déplaisant de voir une telle ville aussi calme, et ça permet une traversée bien
plus aisée.
J’avance tranquillement mais sûrement vers les
premières petites ascensions de la journée et je rattrape Felipe, un concurrent
équatorien avec qui j’échange quelques mots. Comme depuis Trujillo, on est
toujours sur de l’asphalte de bonne qualité et après cinq minutes à papoter, je
sens que je pourrais aller un peu plus vite. Je décide donc de reprendre ma
vitesse de croisière, mais je sens que Felipe reste collé derrière moi. Une
petite entorse au règlement qui n’est pas très grave (le drafting étant interdit sur les courses d’ultra distance), mais je
n’ai tout de même pas envie de « travailler » pour lui. Je ralentis
donc l’allure et nous échangeons quelques mots supplémentaires avant d’attaquer
une descente. C’est le moment idéal pour fausser compagnie à Felipe et je
profite de mes qualités de descendeur pour creuser un écart suffisant pour ne
plus le revoir. Nous n’en sommes qu’au début de l’épreuve, et bien qu’il
s’agisse avant tout d’aventure et de dépassement de soi, je ne peux m’empêcher
de voir l’aspect compétition, surtout après mon passé à haut niveau en karting.
Les kilomètres défilent sans problèmes, j’ai
de bonnes sensations et je vois apparaître, au loin, la roue arrière de Marcus,
l’anglais habitué des courses d’ultradistance avec qui j’avais discuté sur la
ligne de départ. Je le vois au loin, mais à aucun moment je ne reviens sur lui,
que du contraire même. Nous effectuons quelques lacets, à une centaine de mètre
l’un de l’autre. Je le vois apparaître puis disparaître au fil des méandres de
la route. Et puis d’un coup, j’entends des aboiements et cri assez
violent ! La première pensée qui me vient à l’esprit est que Marcus s’est
fait mordre. Cela ne me rassure pas, d’autant plus que ce serait la seconde
morsure dont je suis au courant en moins de deux jours. J’appréhende donc
énormément la suite de la course à ce niveau-là, mais je suis loin de me douter
que les chiens seront en réalité le cadet de mes soucis. Je continue néanmoins
sur le rythme qui était le mien. L’une des clés de ce genre d’épreuves, et je
le sais déjà, est d’avancer à son propre rythme et non de vouloir lâcher ou
chasser à tout prix un concurrent. La course est longue et tout peut arriver,
alors se fatiguer après moins de deux jours serait la plus grosse erreur à
faire.
En fin de matinée, j’arrive dans la ville de
Cajabamba qui est en pleines festivités et je rejoins Frederico, un brésilien
pour qui l’Inca Divide fait également office de baptême. Je ne le sais pas
encore à ce moment-là, mais Frederico et moi n’allions plus vraiment nous
lâcher d’ici la fin de l’épreuve. Tant bien que mal, nous traversons Cajabamba
et nous perdons de vue sur les kilomètres qui suivent la sortie de la ville. C’est
finalement à trois que nous nous retrouvons à l’entrée de Huamachuco, puisque
j’y retrouve Frederico et que nous sommes ensuite rejoint par Marcus. Le temps
de demander rapidement des nouvelles à Marcus après le cri que j’ai entendu le
matin-même, il me rassure en me disant qu’il a simplement voulu repousser les
chiens mais qu’à aucun moment il ne s’est fait mordre. Bonne nouvelle !
Nous traversons la ville ensemble et dans une ambiance très conviviale avant
que Marcus et moi nous arrêtions pour prendre de l’eau. Nous allons entamer
d’ici peu le premier segment gravel
et mieux vaut faire des réserves car les ravitaillements vont se faire de plus
en plus rares. Et c’est là que je vois que Marcus a beaucoup d’expérience sur
ce type d’épreuves. Là où j’ai tendance à prendre mon temps, discuter rapidement
avec les gens en expliquant ce que je fais dans la région, Marcus, lui, paie
ses bouteilles d’eau avant même de les recevoir et, en un rien de temps, a déjà
repris la route. Mince alors, je n’ai même pas encore bu une goutte d’eau qu’il
s’est déjà remis à pédaler ! Ni une ni deux, je remplis mes bidons et
prends la route vers le sud de la ville.
Huit kilomètres après Huamachuco apparaît un
petit chemin de terre que mon GPS m’indique de prendre. Je n’aurais jamais
pensé prendre à gauche ici, mais puisque c’est ce qu’Axel (l’organisateur de la
course et de l’ensemble de la série BikingMan) nous a réservé, allons-y. La
vitesse chute alors drastiquement, ce à quoi je m’attendais, donc pas de raison
de s’affoler. J’en profite pour m’arrêter et diminuer la pression de mes pneus,
sans crainte, puisque je suis en tubeless.
Cette technique de montage des pneus permet de se passer de chambres à air,
avec comme principal avantage que l’on peut diminuer fortement les pressions
sans risquer la crevaison par pincette. Le choix du tubeless paraît probablement évident à la majorité des pratiquants
de cette discipline ainsi qu’aux VVTistes, mais pour moi ce ne le fut pas tant
que ça. N’ayant aucune expérience avec le tubeless,
j’avais peur de le tester en course mais j’ai finalement décidé d’y passer la
veille du départ, sous les bons conseils de plusieurs autres participants,
choix que je ne regretterai pas.
Cette
partie gravel ne monte pas très fort,
puisqu’on est sur une pente moyenne de 2-3% avec des passages à 5-6%, mais je
commence assez rapidement à peiner. En effet, autre choix technique que j’ai
fait, monter une cassette de 11-34 à l’arrière et garder mon plateau compact
50-34 à l’avant, m’offrant ainsi un rapport de 1:1 sur le plus petit
rapport. Ceci devait me permettre mouliner dans les parties les plus pentues
tout en assurant un confort dans le choix de mes vitesse sur un asphalte de
bonne qualité. Mais assez rapidement, je me rends compte que je coince alors
que je suis « tout à gauche » en 34-34 et que la pente n’est même pas
encore très forte. Je descends une première fois de mon vélo pour le pousser,
puis une seconde, et ainsi de suite. Cette ascension de 20 km pour seulement
400 m de dénivelé positif m’aura finalement pris 2h30, m’assénant un premier
coup au moral. La descente se passe ensuite sans encombres et j’arrive au
village de Cachicadan sur les coups de 18h45, la nuit venant à peine de tomber.
Que faire ? Il me reste 20 km pour atteindre le village suivant, ce qui me
prendrait environ deux heures, mais je suis déjà très entamé physiquement et
cela me ferait courir des risque inutiles car la descente suivante est très
cassante paraît-il. Je décide donc de m’arrêter là, laissant filer Marcus et
Frederico qui dorment au village suivant. A ce moment de la course, j’ai
l’impression d’avoir quitté le top 10 tant j’ai été lent dans la dernière
ascension du jour, ce qui me plombe totalement le moral. Tant pis, après tout,
l’objectif est de terminer la course et de prendre du plaisir dans une telle
aventure. Ce n’est que lors de mon repas, lorsque je consulte la carte du
tracker, que je me rends compte que je pointe en sixième position. Non
seulement je ne suis pas sorti du top 10, mais en plus j’ai gagné une place
lors de cette seconde journée qui m’avait semblé très éreintante. Il n’en
fallait pas moins pour me remonter le moral. En plus de ça, les gens de mon entourage
commencent à se prendre au jeu du dotwatching
(suivre l’avancée des concurrents sur la carte grâce aux trackers GPS que nous
embarquons sur nos vélos) et m’envoient des messages d’encouragements. Malheureusement,
je n’ai pas le temps de répondre à tout le monde et c’est principalement avec
Elo que j’échange et la charge ensuite de donner de mes nouvelles à tout le
monde. Elo va d’ailleurs jouer un rôle de soutien très important durant la
course, me remontant le moral lors des moments de doutes et tempérant mes
ardeurs lorsqu’il le faudra. Quelques mots échangés par message avec Elo (il
est 3h du matin en Belgique à ce moment-là), un riz-poulet-frites avalé et une
douche rapidement prise et je suis prêt à filer au lit pour reprendre de plus
belle le lendemain. Il me reste juste à préparer la journée du lendemain et je
peux enfin espérer un sommeil réparateur.
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