IncaDivide - Jour 5 : Le hasard fait bien les choses et les émotions s’en mêlent
Endormi vers 22h, je pensais me réveiller vers
6h ou 7h et y aller tranquillement. Mais c’était sans compter la fête battant
son plein dehors. Il est 3h lorsque je suis réveillé par deux femmes en plein
karaoké et dont le chant approximatif n’a laissé aucune chance à mon sommeil.
Me voilà bien réveillé et étonnamment bien reposé, probablement grâce à la
faible altitude des lieux. J’arrive rapidement à la conclusion que, non
seulement je ne me rendormirai pas, mais qu’en plus, si je pars maintenant, je
devrais sans problèmes arriver au sommet de Punta
Olimpica dans l’après-midi. Je me prépare donc tranquillement et c’est
parti pour une très longue ascension. Malheureusement, il est trop tôt et je
traverse le Cañon del Pato de nuit,
ce qui ne me permet pas de l’admirer. Pas grave, j’aurai une autre occasion de
le voir puisqu’on passe à nouveau par là lors du retour vers Trujillo. Je l’ai
vu en photo avant la course et le spectacle semble grandiose lorsque l’on
traverse les 37 tunnels le parcourant.
Parti à nouveau en tenue courte, je dois petit
à petit me couvrir car les températures diminuent rapidement avec l’altitude. Si
bien que c’est complètement couvert que j’arrive au CP2, en quatrième position.
C’est la première fois de la course que je suis officiellement quatrième et ça
fait du bien autant que ça met une pression supplémentaire. Et puisqu’il n’est
que 9h du matin, je décide de prendre un rapide petit déjeuner tout près du CP2
afin de reprendre des forces avant d’attaquer le monstre tant redouté par tous
les coureurs. Et lorsque j’en ai fini avec mon petit déjeuner, c’est Frederico
que je vois débarquer. Nous avons juste le temps d’échanger quelques mots et je
me remets assez rapidement en route, je préfère avoir de la marge pour pouvoir
prendre mon temps. De toute façon, je sais bien qu’il me rattrapera car il a
moins d’une heure de retard sur moi et je prévois au moins six heures d’effort
pour atteindre le tunnel de Punta
Olimpica.
On m’avait averti qu’il pourrait faire très
froid là en-haut et je garde donc toutes mes couches. Mais je dois assez
rapidement tout enlever tant il fait chaud en quittant Carhuaz, le mercure
dépassant rapidement les 30°C au soleil. Je ne sais pas si c’est le petit
déjeuner assez copieux ou le retour en altitude, mais aux alentours de 3600m
d’altitude, je suis pris d’une fatigue assez fulgurante. Je m’endors presque
sur le vélo et n’ai absolument plus aucune énergie ! J’applique alors ce
que j’ai fait depuis le début de la course lorsque je n’ai plus d’énergie, je
pousse mon vélo. Je n’ai pas l’habitude de faire ça, et je serai probablement
dénigré par les puristes, mais cela me permet de reprendre des forces, tout en
avançant. Et quelques centaines de mètres plus tard, je me remets en selle et
suis reparti avec l’impression d’avoir rapidement rechargé les batteries. En
arrivant à l’entrée du parc national de Huascaran,
je m’acquitte du droit d’entrée et pénètre dans un cadre tout simplement
somptueux. Je sais que ça va être très difficile, d’autant plus que je ne suis
jamais allé à de telles altitudes à vélo, mais la vue promet d’être sublime, ce
qui booste mon moral. J’avance lentement mais sûrement jusqu’au pont traversant
la Quebrada Ulta, point de départ de
la dernière partie de l’ascension, celle qui est composée d’une multitude de
lacets. Et déjà avant ce point, je pense à mes parents et au fait qu’à près de
5000m d’altitude, je vais passer tout près d’eux. Je fonds en larmes à
plusieurs reprises et ça me donne une force supplémentaire d’avancer. Je sais
également que, arrivé en haut, je veux faire une photo afin d’immortaliser
l’instant et pour leur écrire un petit message. J’ai perdu mon papa il y a
maintenant plus de onze ans et ma maman l’année passée et c’est ce dernier
événement qui m’a poussé à faire une pause dans ma carrière professionnelle pour
me lancer un tel défi. L’idée d’abandonner m’a traversé l’esprit à plusieurs reprises,
tant cette course est difficile, mais le simple fait de penser à eux m’a immédiatement
remis sur les rails, comme un enfant se faisant gronder après avoir fait une
bêtise ou avoir dit un gros mot.
J’entame les premiers lacets et déjà à 4000m
d’altitude, je sens que la puissance que je peux délivrer a considérablement
diminué. Mais ce n’est pas grave, je m’accroche et je n’hésite pas à pousser le
vélo de temps à autres. Après tout, c’est une course et le but est d’aller le
plus vite sur l’ensemble des 1700km, pas uniquement d’aller chercher le KOM
dans Punta Olimpica. A seulement 6 km
du sommet, je suis rejoint par Frederico qui a également eu beaucoup de mal
jusque là. Très entamé mentalement, je lui demande s’il veut bien m’attendre en
haut afin de faire des photos dans cet endroit, ce qu’il accepte évidemment
puisqu’il veut de toute façon reprendre ses forces en haut. A nouveau, je fonds
en larmes à plusieurs reprises tant je suis épuisé physiquement et submergé par
les émotions. Je ne contrôle tout simplement plus rien, le manque d’oxygène
n’aidant certainement pas, et les larmes me montent une dernière fois aux yeux
arrivé au sommet, à l’entrée de ce tunnel mythique, plus haut tunnel carrossable
du monde. Ca y est, j’y suis, après dix heures de montée continue, passant de
1300m ce matin à 4736m d’altitude. Frederico est assis et prend le soleil. Nous
avons juste le temps de profiter de la vue, faire quelques photos et nous
couvrir très chaudement qu’il nous faut déjà repartir. Le soleil n’est déjà plus
présent dans la vallée dans laquelle nous allons descendre et à cette altitude,
les températures peuvent chuter très rapidement. Nous commençons par traverser
ce fameux tunnel, long de 1384 m, dans lequel nous tombent de petits torrents
d’eau, le tout dans le noir le plus total. Mais de l’autre côté se dresse une
autre vallée tout aussi somptueuse. Je profite alors d’une nouvelle descente
que seul le Pérou est capable d’offrir. Et puisque j’adore ça, je n’hésite pas
à prendre des risques en retardant au maximum les freinages, étant parfois un
peu juste pour prendre la corde. Mais que c’est bon ! Trente kilomètres de
pure descente pour perdre plus de 1300m d’altitude en arrivant à Chacas. Il
n’est que 17h lorsque nous arrivons là, mais deux facteurs nous poussent à nous
arrêter là pour la journée. La première est que la journée fut très éprouvante
et lui comme moi n’avons plus les jambes pour continuer. La seconde est que
nous sommes obligés de dormir à San Marcos avant d’effectuer la boucle sud et
que San Marcos n’est qu’à 110 km de Chacas, ce sera donc fait assez rapidement
demain, pas besoin de se presser aujourd’hui.
Lorsque
nous arrivons dans la ville de Chacas, la place principale est bondée de monde
car il s’y déroule une feria.
L’ambiance est incroyable mais on se demande si on va pouvoir trouver une
chambre et aussi si on va pouvoir dormir. Après une petite glace, nous trouvons
une chambre et nous retrouvons pour manger à nouveau dans une petite roulotte
dans la rue. Rien de bien diététique, mais un bon petit repas qui permet de
refaire des réserves pour la journée du lendemain. Je ne sais pas comment le
voit Frederico, mais de mon côté je suis très motivé à l’idée d’accrocher une quatrième
place lors de ma première course d’ultra endurance. Mais ce soir, c’est un peu
la trêve, il n’y a plus de course qui tienne, avant d’entamer la boucle sud qui
promet d’être extrêmement difficile.
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