IncaDivide - Jour 1 : Ca démarre fort !

Il est 3h45 du matin et lé réveil sonne. Le départ est à 5h, mais avec les touts derniers préparatifs, la mise en marche du tracker, la vérification du transpondeur, etc., je préfère prendre mon temps. Surtout qu’il faut encore déjeuner, et quand on sait ce qui nous attend, mieux vaut faire des provisions. Alors que je m’habille, je vérifie par acquis de conscience mes chaussures et m’aperçois qu’il manque une vis sur la cale de ma chaussure droite… Ca commence bien ! Je cours donc dans tous les sens afin d’en trouver une, demande à l’un et à l’autre, mais personne ne peut m’aider. Pas même le responsable de Gato Bikes, magasin partenaire de l’événement et dont l’atelier se trouve trop loin du départ que pour pouvoir m’aider. Mais, quelques minutes avant le départ, la roue tourne et je croise Hervé, l’un des concurrents français, qui a une seconde paire de cales de réserve. Ouf, juste le temps de mettre la vis manquante et resserrer les autres et je me place sur la ligne de départ. Plus que dix minutes avant le coup d’envoi de cette troisième édition de l’une des courses d’ultracyclisme les plus difficiles au monde. En effet, le parcours consiste une boucle de 1700 km sur parcours aussi varié que cassant à travers la cordillère des Andes, alternant entre route en plus ou moins bon état et pistes de terre, le tout frôlant à plusieurs reprises les 5000 m d’altitude.


Juste le temps d’échanger quelques mots avec Stuart, le concurrent sud-africain à ma gauche et rookie comme moi, et Marcus, un Anglais habitué de ce genre d’épreuves, et la cours est lancée depuis notre hôtel situé dans la ville de Trujillo. La première heure de course est neutralisée et nous quittons lentement Trujillo jusqu’à la petite ville de Huanchaco où le départ réel est donné. L’ambiance est décontractée et le peloton progresse tranquillement dans la nuit sur une route panaméricaine encore assez calme. Le peu d’automobilistes que nous croisons klaxonne et nous acclame, ce qui ajoute une touche sonore à l’ambiance lumineuse créée par nos lampes et feux arrières rouges clignotants. Après quelques kilomètres, nous croisons un premier casse vitesse et, déjà, je perds les deux bidons de ma sacoche avant. Pas de soucis, je les ramasse et je reprends ma route en prenant soin de ne pas me faire distancer par le groupe. Après tout, j’ai acheté cette sacoche spécialement pour y loger deux gourdes supplémentaires. Le problème est que ceci va se répéter trois fois et qu’à chaque fois je dois effectuer un effort plus intense pour rattraper le peloton. Pas très intéressant sur une course aussi longue et sachant que la journée va être longue. Alors, à la troisième chute de mes deux bidons, je décide de ne pas les ramasser, je trouverai bien une autre utilisation à ces poches et un autre moyen de stocker un supplément d’eau pendant la course.

Après 25 km, le départ réel est donné et l’allure augmente. Et comme nous avons le vent dans le dos, cela ne demande pas beaucoup d’effort pour rouler à plus de 30 km/h de moyenne. Par contre, ça demande beaucoup d’efforts aux quelques coureurs qui souhaitent déjà fausser compagnie au groupe. C’est pourtant ce que feront Rodney et Giona assez rapidement. De mon côté, je reste dans un groupe d’une dizaine de coureurs, ça roule bien et me permet d’économiser pas mal d’énergie. Le drafrting est interdit durant la course, mais il est toléré lors des premiers kilomètres, le temps que cela se décante dans le peloton. Sauf que ces quelques kilomètres vont finalement durer jusqu’au pied de l’ascension du jour, soit près de 150 km que nous avons effectués en groupe à plus de 33 km/h de moyenne. Au moins, nous avons fait la moitié de la distance sans trop nous fatiguer et nous devrions atteindre le CP1 (premier checkpoint de la course), situé à Cajamarca, le soir-même.

L’ascension commence avec une pente très douce et nous avons encore le vent dans le dos en entamant celle-ci. Le groupe s’est finalement dissous et nous nous suivons maintenant chacun à quelques dizaines voire centaines de mètres l’un de l’autre. Après avoir longé le Reservorio de Tinajones, je suis rejoint par Fabian, un concurrent suisse, habitué de ce genre d’épreuves, avec qui j’avais échangé la veille de la course. Nous effectuons quelques kilomètres ensemble et je finis par prendre un peu d’avance sur lui. Peu après, j’effectue mon premier arrêt dans une petite tienda, petite épicerie classique, pour me ravitailler et Fabian me rejoint. Mais déjà, nous sommes sur deux stratégies différentes puisqu’il cherche à s’arrêter pour manger dans un petit restaurant alors que mon objectif est de m’approvisionner uniquement en eau et en coca-cola puisque je m’étais préparé des sandwichs la veille.

Je reprends la route et la pente, très faible en début d’ascension, s’intensifie peu à peu, mais rien de bien compliqué. Je n’ai jamais été un très bon grimpeur mais les longues ascensions ne me font pas peur, elles nécessitent généralement beaucoup de patience et l’important est d’y aller à son rythme pour ne pas se cramer. Je continue donc tranquillement mon ascension mais cela fait maintenant dix heures que nous roulons et je me rends compte que mes jambes ne répondent plus. Je suis « tout à gauche », c’est-à-dire en 34-34 sur une pente qui n’excède pas les 5% et je suis pourtant vraiment à la peine, n’atteignant même plus les 10 km/h. Je suis rattrapé par Sofiane, futur vainqueur de l’épreuve, et avec qui j’étais allé déjeuner deux jours auparavant, sans savoir qui il était à ce moment-là. Sofiane m’explique qu’il s’est fait mordre par un chien et qu’il va déjà devoir se faire injecter une dose de vaccin contre la rage à Cajamarca. C’est vrai qu’on nous avait prévenus de nous méfier des chiens, mais de là à se faire mordre le premier jour, ça m’a clairement fait peur. Mais puisque Sofiane ne veut pas traîner, il se détache rapidement de moi et continue sa route vers le CP1 à son allure. Quant à moi, je commence vraiment à coincer ! « Comment vais-je faire dans les Andes après plusieurs jours de course si je coince déjà sur la route vers Cajamarca à seulement 2000m d’altitude ? Sans oublier que, lors de ma période d’acclimatation que j’ai effectuée à Huaraz (3000m d’altitude), j’ai été pris d’un violent mal d’altitude et ai été contraint de redescendre rapidement à Trujillo, situé au niveau de la mer ! ». Bref, déjà pas mal de doutes après seulement quelques heures d’une course qui pourrait durer une dizaine de jours.


Arrivé à San Juan et ses 2300 m d’altitude, je fais un nouvel arrêt ravitaillement. J’en profite pour manger un sandwich que j’avais préparé la veille et me poser sur un banc quelques minutes. Mais, je ne sais pas qui m’arrive, j’ai l’impression d’être pris d’un bad trip et je ne sais absolument pas quoi faire. Je vérifie mes messages et je vois qu’Elo me dit que je suis 5e actuellement, je n’y crois pas. Pourtant, je ne parviens pas à me calmer. Assis, debout, je tourne en rond, je suis très nerveux, non pas à cause de cette 5e place, mais peut-être plutôt à cause de l’altitude. Toujours est-il que j’ai l’impression de délirer. Je reprends finalement la route et là, j’ai l’impression d’avoir des jambes nouvelles. Ma vitesse a littéralement doublé par rapport à ce que j’étais capable de faire juste avant mon arrêt. Je me dis que c’est parce que je viens de m’arrêter et que ça ne va certainement pas durer, mais en réalité je tiens à près de 14-15 km/h dans une pente relativement douce mais qui n’en finit pas. La nuit commence alors à tomber, il est 18h30 et je suis bientôt rejoint par la seconde voiture médias de l’organisation, celle de David et Didier. Ils se portent à ma hauteur et prennent de mes nouvelles, me confirmant que je suis bien placé, aux alentours de la 6e ou 7e place. Toujours dans cette euphorie, que j’attribuerai plus tard à l’altitude, je leur sors pas mal de conneries, je ne peux m’empêcher de parler et j’ai l’impression de ne pas tenir en place. Ils prennent alors congé de moi pour retrouver les coureurs qui me précèdent, le sommet n’étant plus très loin. C’est peu après 19h que je passe le sommet après une ascension qui aura commencé plus de 150 km et près de 10h plus tôt. Afin de ne prendre aucun risque, je m’arrête au col, j’enfile les jambières, le maillot à manches longues ainsi que la ceinture réfléchissante et je me lance dans une descente à un rythme soutenu, comme j’aime le faire. Slalomant entre les voitures et les moto-taxi, j’arrive finalement à Cajamarca et me dirige vers le lieu du CP1, situé sur la Plaza de Armas. Lorsque je passe le portail de l’hôtel accueillant le checkpoint, il est 20h02 et je pointe en 7e position, à seulement deux heures des leaders Rodney et Giona. Je n’en revenais pas ! Puisque c’est ma première course, je ne sais évidemment pas quel est mon niveau par rapport aux autres, du moins jusqu’à maintenant. Car passé le premier point de contrôle, une première hiérarchie est établie et je sais maintenant que je peux jouer un rôle d’outsider.

Il est encore tôt et deux options s’offrent maintenant à moi : continuer ma route et suivre les leaders qui s’enfoncent dans la nuit ou loger à Cajamarca après 320 km et près de 4000m de dénivelé positif. Sans oublier qu’après ce départ ultra rapide, cette journée aura été avalée à une vitesse moyenne de plus de 23 km/h. N’ayant pas encore l’expérience de ce type de course, c’est sagement que je choisis la deuxième option afin de bien me reposer et attaquer la journée du lendemain en forme. Et puis, la course promet d’être longue et très difficile, rien ne sert de se presser, je ne joue de toute façon pas pour le podium. Après un bon spaghetti carbonara, je file au lit pour une bonne nuit de sommeil et d’acclimatation à l’altitude en douceur. Une dernière question me taraude avant d’aller dormir : et si j’étais allé trop vite aujourd’hui ? Et si je m’étais cramé ? Je n’en ai pas l’impression, mais tout ce que je sais, c’est que je suis finalement monté assez vite pour quelqu’un qui n’est pas un grimpeur ! On verra cela dans les prochains jours, pour l’instant, il faut penser à se reposer.

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